Comment vérifier un contrat de travail ?

QuestionLegale.info
Publié le 24 septembre 2025 · Lecture estimée: 12 min

Signer un contrat de travail engage des droits et des obligations importants. Avant de parapher ou de signer, prenez le temps de vérifier chaque mention : une omission ou une clause mal rédigée peut coûter cher (requalification, contestation, perte d’avantages...). Ce guide vous livre une méthode structurée, les points essentiels à contrôler, les demandes judicieuses à formuler et des modèles courts de courriels/lettres à adresser à l’employeur.
Fondements juridiques essentiels (points de repère)
- Le contrat de travail est soumis au droit commun ; il peut être établi selon les formes choisies par les parties, mais certaines formes sont obligatoires pour certains contrats. Article L.1221-1 du Code du travail.
- Les contrats à durée déterminée (CDD) obéissent à un formalisme strict : le CDD doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif; à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée (risque de requalification en CDI). Article L.1242-12 du Code du travail.
- La période d’essai est encadrée (durée, renouvellement, délai de prévenance) et ne se présume pas : elle doit être expressément stipulée. (voir les articles L.1221-19 à L.1221-26).
- Les clauses limitant l’exercice professionnel après rupture (clause de non-concurrence) sont strictement contrôlées : doivent protéger un intérêt légitime, être limitées dans le temps, l’espace et prévoir une contrepartie financière.
- En France, le Conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour les litiges individuels du travail : toute convention contraire est réputée non écrite (impact sur clauses compromissoires). Article L.1411-4 du Code du travail.
Check-list complète : les points à contrôler, un par un
> Pour chaque élément, demandez : « est-ce clair, écrit, chiffré et conforme au droit / à la convention collective ? »
Mentions administratives et formelles
- Identité complète de l’employeur (raison sociale, SIRET, adresse), et du salarié.
- Date d’entrée en fonction et date de signature du contrat.
- Nature du contrat : CDI, CDD (motif précis), contrat d’intérim, contrat d’apprentissage, etc. — si CDD : vérifier la date de fin ou le terme, la possibilité de renouvellement et les motifs. ( Article L.1242-12 ).
- Langue du contrat en français (obligatoire), nombre d’exemplaires et signature des deux parties.
Fonction, classification, fiche de poste
- Intitulé précis du poste / niveau / coefficient / classification au regard de la convention collective.
- Fiche de poste en annexe (prévoir une annexe si la fonction est complexe).
- Hiérarchie et rattachement (manager direct).
Rémunération et modalités de calcul
- Salaire brut et net, date et périodicité de paiement.
- Composantes : salaire de base, primes (fixes ou variables), commissions, avantages en nature (logement, véhicule), participation/intéressement. Mode de calcul détaillé (ex. : pourcentage, objectifs, période de référence).
- Clause de variation de salaire : préciser les limites (indexation, rétroactivité, conditions).
- Remboursements de frais professionnels (modalités et justificatifs).
Durée du travail et horaires
- Durée hebdomadaire ou mensuelle, horaire type, amplitude, astreintes, travail de nuit.
- Heures supplémentaires : majorations, plafond et régime (compte épargne-temps, repos compensateur).
- Si temps partiel : durée hebdomadaire, répartition, heures complémentaires et majorations. (contrat à temps partiel doit être écrit et préciser la répartition).
Période d’essai
- Existence, durée (doit être expressément prévue), conditions de renouvellement (autorisé seulement si l’accord de branche le prévoit) et délai de prévenance en cas de rupture. Articles L.1221-19 à L.1221-26.
Clauses particulières (à examiner finement)
- Clause de non-concurrence : Zone géographique, durée, activités visées, contrepartie financière. Si compensation absente ou portée trop large => risque d’inopposabilité.
- Clause de mobilité : La zone d’application doit être précise ; l’employeur ne peut pas l’étendre unilatéralement. Vérifier conditions de mise en œuvre et indemnités éventuelles. (Jurisprudence stricte).
- Clause d’exclusivité : Limitée dans le temps et justifiée par la nature de l’emploi ; interdite pour certaines situations (ex. création d’entreprise sous conditions).
- Clause de confidentialité / secret des affaires : Vérifier portée et limites (protection du secret des affaires — art. L.151-1 et suivants Code de commerce).
- Clause pénale (sanctions financières en cas d’inexécution) : vérifier proportionnalité et applicabilité.
- Clause de formation / dédit-formation : Attention aux modalités de remboursement (durée plancher, proratisation).
- Clause compromissoire / clause d’arbitrage : En droit interne, attention : la compétence du conseil de prud’hommes est « d’ordre public » ; toute clause visant à priver le salarié de cette voie peut être inopposable Article L.1411-4.
Rupture / préavis / procédures disciplinaires
- Motifs et procédures applicables en cas de licenciement, préavis, indemnités éventuelles.
- Règles applicables pour la rupture conventionnelle si prévue.
- Délai de prescription pour agir (ex. actions liées à l’exécution du contrat devant le CPH).
Avantages sociaux et conditions annexes
- Mutuelle obligatoire entreprise (organisme, date d’affiliation), prévoyance, tickets restaurant, intéressement, BSPCE, stock-options…
- Modalités de télétravail (si applicable) : Fréquence, remboursements, matériel, règles d’employeur (art. L.1222-9 et s.).
Rattachement conventionnel et documents à obtenir
- Convention collective applicable (IDCC) : Vérifier et demander l’intitulé exact + copie ou notice d’information. (La convention devrait figurer sur le bulletin de paie).
- Règlement intérieur (si entreprise ≥ 50 salariés), chartes (télétravail, cybersécurité), accords d’entreprise.
Signes d’alerte (red flags)
- CDD sans motif précis ou non rédigé : risque réel de requalification en CDI.
- Rémunération variable sans méthode de calcul écrite.
- Clause de non-concurrence sans contrepartie financière ni limitation géographique/ temporelle.
- Clause de mobilité floue (« toute la France » suivie de points de suspension) sans précision — risque d’inopposabilité.
- Clause compromissoire totale (arbitrage) dans un contrat français Cette clause est potentiellement inopposable (voir Article L.1411-4 ).
- Absence d’indication sur la convention collective applicable.
Demandes judicieuses à adresser à l’employeur / questions à poser
Avant signature, envoyez une liste courte et claire des points à préciser. Exemple de demandes prioritaires :
- « Pouvez-vous me préciser l’intitulé et l’IDCC de la convention collective applicable et me transmettre la notice d’information ? »
- « Merci de détailler par écrit la méthode de calcul de la rémunération variable (objectifs, période, modalité de versement). »
- « La clause de non-concurrence prévoit-elle une contrepartie financière ? Quel est son périmètre géographique et sa durée ? »
- « Merci de préciser la zone exacte de la clause de mobilité et les conditions de mise en œuvre (préavis, indemnités, garde-fous). »
- « Veuillez m’indiquer les modalités pratiques et financières du télétravail (équipement, remboursement). »
- « Pouvez-vous confirmer la durée et les conditions de la période d’essai ainsi que le délai de prévenance applicable en cas de rupture ? »
- « Merci de joindre une copie du règlement intérieur, des accords d’entreprise pertinents et de tout avenant mentionné. »
Modèles courts — formules à envoyer (email / message)
Demande d’information sur la convention collective
Objet: Convention collective applicable — demande d’exemplaire
Bonjour,
Pour finaliser mon embauche, pouvez-vous me confirmer l’intitulé précis et l’IDCC de la convention collective applicable et m’adresser la notice d’information / un exemplaire ?
Merci d’avance,
[Prénom NOM]
Demande de précision sur rémunération variable
Objet: Précision calcul prime/commission
Bonjour,
Afin de clarifier la clause de rémunération variable, pourriez-vous m’indiquer par écrit :
- les indicateurs retenus,
- la période de référence,
- le mode de calcul et
- la date de versement ?
Cordialement,
[Prénom NOM]
Demande de détail clause non-concurrence
Objet: Clause de non-concurrence — demande de précision et contrepartie
Bonjour,
La clause de non-concurrence figurant à l’article X mérite, pour ma sécurité juridique, d’être précisée (durée, zone géographique, activités interdites) et d’indiquer la contrepartie financière correspondante. Pouvez-vous confirmer ces éléments et, le cas échéant, proposer une rédaction alternative ?
Merci,
[Prénom NOM]
Que faire si l’employeur refuse ou si vous détectez un problème ?
Si vous rencontrez un problème avec votre employeur, plusieurs options s'offrent à vous :
-
Négociez
Il est souvent possible de discuter des clauses de mobilité, de non-concurrence ou de la rémunération variable.
-
Proposez un avenant
Rédigez un document clair pour modifier le contrat. Je peux vous aider à en créer un modèle.
-
Consultez un expert
Si l’employeur persiste dans son refus (par exemple, en cas de CDD sans contrat écrit ou de clauses illégales), vous pouvez vous tourner vers :
- Un avocat en droit du travail (pour un conseil ou un contentieux).
- Les délégués syndicaux ou représentants du personnel.
- L’Inspection du travail pour information et signalement.
- Le Conseil de prud’hommes en cas de litige.
Conseils pratiques pour la négociation
- Insistez pour obtenir tout document écrit (fiche de poste, annexe, avenant).
- Demandez une rédaction précise (évitez les adjectifs vagues : « selon les besoins », « à convenir »).
- Pour la non-concurrence, Exigez des indemnité et des limites claires ; sans indemnité la clause est souvent contestable.
- Sauvegardez tous les échanges (emails) : utiles en cas de contestation.
Résumé (synthèse rapide)
- Ne signez pas Un contrat tant que les points essentiels (nature du contrat, rémunération, période d’essai, clauses restrictives, convention collective) ne sont pas clairs et écrits.
- Vérifiez le formalisme
(CDD, temps partiel, période d’essai), demandez précisions et copies, et conservez tous les documents. Un contrat bien rédigé = moins de risques.
Besoin d’aide ? Qui consulter
- Avocat en droit du travail : relecture, négociation d’avenant, contentieux.
- Conseil juridique d’entreprise / juriste : pour relecture technique (si vous êtes employeur).
- Inspection du travail : information sur l’application du droit et saisines administratives.
- Syndicat : appui pratique et conseils.